Pourquoi rédiger une charte familiale ? Dans quelles circonstances est-ce utile ?
By elbconseil In Coaching, Entreprise familiale« In fine cette charte est destinée à garantir la pérennité de l’entreprise et du patrimoine de ses actionnaires » dit Pascal Viénot.
Une entreprise familiale n’a pas nécessairement besoin d’une charte familiale pour survivre me direz-vous. Pour preuve, la majorité des entreprises familiales s’en passent aujourd’hui. Cependant, un certain nombre d’acteurs d’entreprises familiales, et le recueil de témoignages intitulé L’entreprise familiale sauvera-t-elle le capitalisme ? de Christine Blondel et Anne Dumas l’illustre bien, se sont donnés pour mission de créer une charte familiale et ils se disent satisfaits de s’être soumis à cet exercice.
Un des motifs évoqué est de la rédiger de manière à anticiper et à éviter les crises. C’est le cas par exemple de la famille Métin qui l’a entreprise avec la première et la deuxième génération.
Mais c’est souvent un changement de contexte fort qui fait naître le besoin de rédiger une charte familiale. Parmi les raisons souvent évoquées apparaissent la question de la succession (volontairement anticipée ou au contraire négligée et source de tensions, ceci dès la deuxième génération), les conflits internes (voir le graphique ci-dessous), et la multiplication du nombre d’actionnaires.
L’Enquête mondiale de PricewaterhouseCoopers menée dans 28 pays (1454 entretiens) auprès d’entreprises familiales – 2007/08 donne un éclairage intéressant sur ce sujet. Voici les éléments marquants issus de l’enquête :
« Les entreprises familiales sont des lieux où les tensions de la vie de famille peuvent se mêler à celles de la vie professionnelle. Le risque est d’autant plus grand à la veille d’un changement de direction ou à la suite d’une succession d’une génération à l’autre.
La plupart des entrepreneurs/fondateurs sont dotés d’une forte personnalité et ils disposent d’une plus grande marge de manœuvre que leurs descendants du fait qu’ils sont à l’origine de l’entreprise. A cela s’ajoute le fait qu’au fur et à mesure que l’entreprise prend de l’âge, la probabilité pour que certains de ses actionnaires ne s’occupent plus de sa gestion quotidienne et soient susceptibles de désapprouver la manière dont les autres membres de la famille la gèrent s’accroît.
Heureusement, la plupart des entreprises familiales qui ont participé à notre enquête vivent relativement peu de conflits, toutefois, quand des frictions éclatent, celles-ci sont souvent le fait de plusieurs facteurs. »
« Ces facteurs sont par ordre décroissant d’importance :
– Discussions sur la stratégie future de l’entreprise
– Performance des membres de la famille engagés dans l’activité de l’entreprise
– Décisions quant aux memebres de la famille qui peuvent ou non travailler dans l’entreprise
– Manque de concertation sur des questions cruciales entre les membres de la famille engagés dans l’activité de l’entreprise et la famille élargie
– Décisions entre réinvestir les bénéfices dans l’entreprise ou verser des dividendes
– Rémunération des membres de la famille engagés dans l’activité de l’entreprise
– Rôle des parents par alliance dans l’activité de l’entreprise
– Décisions relatives aux membres de la famille qui doivent ou non être habilités à détenir des parts dans l’entreprise
– Discussion sur les critères d’évaluation des parts de l’entreprise
– Rejet d’un successeur désigné par d’autres membres de la famille
Les mesures les plus courantes auxquelles les entreprises familiales ont recours pour la résolution de conflit sont : le conseil de famille, le pacte d’actionnaires, la charte familiale et le recours à un médiateur externe ».
En résumé, l’entreprise familiale évolue dans le temps au gré de son environnement, et les rapports entre les personnes de la famille fonctionnent le plus souvent sur un schéma non-écrit, résultante des valeurs partagées, de la tradition, de figures familiales fortes. Une famille n’a a priori pas besoin de définir des règles du jeu entre elle.
Lorsque les générations se succèdent et se multiplient, que l’entreprise doit s’adapter à de nouvelles contraintes, que se posent des problèmes de succession, alors des divergences, des frustrations, des conflits larvés, des crises peuvent se faire jour. L’absence d’une sorte de socle de valeurs communes que l’on partage vraiment, une communauté de vision sur l’avenir à moyen terme, et un minimum de règles de fonctionnement peuvent se ressentir cruellement. La mise en place d’un processus pour l’établissement d’une charte familiale est l’occasion de mettre les choses à plat, de se rapprocher, de dialoguer, de trouver un équilibre entre l’épanouissement individuel et le collectif, de retrouver et de donner du sens à cette appartenance à la fois familiale et patrimoniale, et entrepreneuriale.